Mesures complémentaires en matière de lutte contre le terrorisme

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Mesures complémentaires en matière de lutte contre le terrorisme

 

Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre,

Chers Collègues,

 

Le débat en cours se déroule dans un contexte malheureusement bien connu pour notre démocratie.

Le moment ne peut tolérer de naïveté mais nous devons rester vigilants dans la protection des libertés individuelles.

Trois thèmes sont à l’ordre du jour :

La possibilité pour les services de police de mener des perquisitions 24h/24 ;

L’élargissement des écoutes téléphoniques ;

L’instauration d’une base légale pour des banques de données communes dédiées à la lutte contre le terrorisme.

Je serai relativement bref quant aux deux premiers.

D’une part, mon groupe soutient la modification étendant les possibilités d’écoutes téléphoniques et d’enregistrement des communications ou télécommunications privées,

… en cas d’infractions à la législation sur les armes et celles relatives à la protection physique des matières nucléaires et autres matières radioactives.

D’autre part même si nous considérons que la loi actuelle permet les perquisitions de nuits souhaitées, le groupe socialiste soutiendra l’extension des possibilités de perquisition 24h sur 24, pour :

Les infractions terroristes visées par le Code pénal

Les infractions d’association de malfaiteur ou d’organisation criminelles, là où il existe des indices sérieux de présence d’armes à feu ou d’explosifs.

 Par contre, le troisième volet portant sur la création de banques de données dynamiques nous semble plus problématique.

En effet, le fichage est une technique très sensible dans le champ de la protection de la vie privée et des libertés individuelles.

Il faut donc s’avancer avec prudence et s’assurer au moins du respect de deux conditions :

D’une part l’efficacité du projet ;

D’autre part, l’existence de balises claires quant au fonctionnement du nouveau système et quant à ses développements futurs.

Or que constatons-nous ?

En matière d’efficacité tout d’abord, ce projet associe de façon très large une série d’acteurs dans le recueil des données.

Tellement large que la masse de données recueillies rendra peut-être illisible pour les autorités compétentes des éléments pertinents recueillis.

Sans trahir le travail des comités de suivi des comités P et R, nous avons déjà soulevé que la gestion des fichiers sous la forme actuelle présente des difficultés.

Ne serait-il pas plus pertinent et prioritaire de faire fonctionner efficacement les outils existants déjà…

…plutôt que d’ajouter une couche supplémentaire en matière de bases de données ?

Ensuite, j’en viens aux balises à poser quant au fonctionnement et au développement futurs de cette banque de données dynamique.

Quatre raisons le rendent potentiellement imparfait à nos yeux et nous amènent à tirer déjà la sonnette d’alarme :

 Qui sera le gestionnaire opérationnel ?

Qui fera l’objet du fichage ?

Qui alimente les banques de données ?

Comment sort-on de la base de données ?

1° Le gestionnaire opérationnel des banques de données actuelles et futures n’est pas bien identifié.

Il semblerait que, dans un premier temps, il s’agira de l’OCAM.

Mais que rien ne permet de dire si d’éventuelles bases de données créées dans le futur seront gérées par d’autres opérateurs ou non.

Qui seront-ils ?

Il est essentiel de s’assurer qu’au moins un magistrat ou un haut fonctionnaire de police serait responsable d’outils aussi sensibles.

Cela fait partie des raisons pour lesquelles, avec le Conseil d’État, nous nous interrogeons sur la pertinence d’utiliser la loi sur la fonction de police comme véhicule légal pour la création de ces banques de données.

2° Deuxièmement, qui fera l’objet du fichage ?

Là aussi, les notions sont incertaines.

« L’extrémisme pouvant mener au terrorisme ».

Cette formule laisse le champ des interprétations très ouvert.

Cette notion n’est définie nulle part.

Nous sommes heureux de l’adoption de notre amendement qui fait référence à l’article 139, §2 du Code pénal.

Celui-ci exclut explicitement les organisations dont l’objet réel est exclusivement d’ordre politique, syndical, philanthropique, philosophique, ou religieux.

Mais il s’agit là d’une balise minimale.

Et nous aurions préféré l’utilisation d’une définition plus claire.

C’est aussi le cas de la définition du « besoin de savoir » d’une institution habilitée à des fins « stratégiques, tactiques, ou opérationnelles ».

Qu’est-ce qu’une fin stratégique, une fin tactique, un fin opérationnelle ?

Le projet est muet à ce propos.

3° Troisièmement, la question de savoir quelles sont les autorités et institutions qui alimenteront les banques de données est essentielle.

Le gouvernement fait le choix d’une liste fort large, ce qui peut être dangereux pour l’efficacité.

Cette liste est laissée ouverte et pourra être modifiée par le biais de simples arrêtés royaux alors que la première liste est discutée au sein du Parlement.

Les modifications devraient l’être également.

En effet, elles pourront toucher au secret professionnel.

Et d’autre part, on ne sait pas de quoi demain sera fait.

Les utilisateurs de cette délégation seront-ils de toute éternité animés d’intentions aussi nobles que celle du ministre actuel de la Justice ?

4° Quatrièmement, le suivi, notamment en termes de durée de conservation des données, pose problème.

Elles pourront rester jusqu’à 6 décennies dans les dossiers.

Le contrôle des possibilités de sortie du fichier est fondamental, soit quand une personne fichée sort du fichier, soit dans le cadre d’échange d’information avec les services étrangers.

Le projet de loi ne prévoit pas de garantie à cet égard.

Monsieur le Président,

Messieurs les Ministres,

J’aurais pu développer très longuement les arguments avancés en commission, qui ont justifié notre abstention sur les points précis que j’ai abordés.

Nous vous appelons à garder nos interventions à l’esprit. Vous avez semblé réceptifs en commission.

Cependant, au regard de l’équilibre général du texte et de l’intérêt général dans les moments que nous traversons, nous avons approuvé le texte global en commission.

Telle sera l’attitude du groupe socialiste en séance plénière.

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