Suivi des « Foreign Terrorist Fighters »

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Suivi des « Foreign Terrorist Fighters »

 

Monsieur le ministre de l’Intérieur, 

 

Ma question porte sur certains problèmes juridiques qui sont ouverts par la circulaire FTF relative à l’échange d’informations et au suivi des « Foreign Terrorist Fighters » en provenance de Belgique diffusée le 21 août 2015.

Cette question a été déposée il y a maintenant un mois, in tempore non suspecto, avant les attentats du 13 novembre. 

Elle reste très actuelle aujourd’hui, dans un contexte où la presse internationale estime que le pays « se couvre de ridicule » avec « ses responsables qui passent leur temps à se rejeter la faute du manque de surveillance des djihadistes » (ce sont les mots du New York times).

Le débat sur la question de la responsabilité politique dans le suivi des personnes radicalisées est un mauvais débat car évidemment tout le monde souhaite contribuer.

Mais pour dépasser ce mauvais débat, il faut une clarté au niveau légal et ce n’est pas le cas avec cette circulaire FTF que le ministre de la Justice lui-même a qualifiée de non-contraignante dans une réponse datée du 28 octobre 2015. 

Je souhaiterais dès lors, Monsieur le ministre de l’Intérieur, obtenir de votre part aussi une réponse aux questions suivantes : 

1° Premièrement, en ce qui concerne la base légale de la circulaire. L’article 62 de la loi sur la police intégrée dresse une liste limitative des missions d’intérêt fédéral pouvant faire l’objet de directives contraignantes de la part des ministres de l’Intérieur ou de la Justice. 

Est-ce que l’échange d’information et le suivi des FTF relève de ces missions ? Si oui, pourquoi avoir rédigé une circulaire et non une directive contraignante ? Si non, qu’en est-il de l’habilitation des ministres de l’Intérieur et de la Justice pour organiser une telle collecte d’information et un tel suivi des FTF ?

2° Deuxièmement, en ce qui concerne la composition de la Cellule de Sécurité Intégrée Locale (CSIL) que les bourgmestres doivent prendre l’initiative de créer pour assurer l’échange d’informations. 

Aux termes de la circulaire, les « services sociaux » et les « services de prévention » font partie de la CSIL ; il est aussi question de « services locaux non-policiers ». 

Or il s’agit là d’un champ potentiellement infini : un CPAS, le pouvoir organisateur d’une école, un club de sport, une asbl, une bibliothèque… Pouvez-vous clarifier ce point ?

3° Enfin, troisièmement, en quoi un bourgmestre peut-il être considéré, sur base de cette circulaire, comme habilité à donner à des services non-policiers des informations générales et particulières sur des individus ? 

Et en retour, en quoi un bourgmestre peut-il être considéré, sur base de la circulaire, comme habilité à contraindre des services non-policiers de donner des informations générales et particulières sur des personnes ?  

Je rappelle qu’actuellement, même l’ensemble des policiers n’a pas accès aux noms des djihadistes. Ici, il est question d’ouvrir cette information à un champ indéfini de personnes. Concrètement, est-ce qu’un bourgmestre a le droit de diffuser la liste des FTF au sein de la CSIL ? Maîtrise-t-on bien les conséquences de cette diffusion ? 

D’autre part, nous savons que pour certains types de services, le secret professionnel est une obligation légale. La confiance et la sincérité sont des valeurs cardinales d’efficacité de l’action sur le terrain.

Selon ce que je comprends, votre circulaire n’ayant pas de contenu normatif, pourrait-elle être invoquée en tant qu’ « habilitation législative » permettant la communication de données couvertes par le secret professionnel ? 

Quelle est donc la ligne à adopter si un service refuse de collaborer ? Un bourgmestre dispose-t-il d’un pouvoir de contrainte et si oui, en vertu de quelle disposition règlementaire ? 

Vous comprendrez, Monsieur le Ministre, qu’il est nécessaire d’être prudent en la matière, car les travailleurs sociaux, de même que toute personne habilité à traiter des informations relatives à des suspicions d’infractions (en l’espèce les services de police et de renseignement) risqueraient de s’exposer aux sanctions réprimant la violation du secret professionnel. 

Enfin, qu’en est-il de la responsabilité personnelle, pénale et civile des bourgmestres s’ils vont trop loin dans l’application des recommandations ou s’ils ne posent pas les actes attendus ? 

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