Avec la sécurité, le fédéral jette un écran de fumée - LLB

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Lundi 29 août 2016

Entretien Frédéric Chardon, la Libre Belgique

Au Royaume-Uni, la coutume politique veut que le parti d’opposition constitue au parlement un “Shadow Cabinet”, un “gouvernement fantôme”, composé de députés chargés de surveiller et critiquer un ministre en particulier. Au PS, avec délice, Willy Demeyer joue ce rôle pour le département de l’Intérieur. Depuis son strapontin de la Chambre des Représentants, il juge les actes du gouvernement Michel en tant que socialiste mais aussi en tant que municipaliste qui doit gérer la sécurité de Liège au quotidien. Il réagit à la rentrée politique du Premier ministre Charles Michel axée sur les thèmes sécuritaires.

Ce week-end, Charles Michel a détaillé dans “Le Soir” et “Sudpresse” son plan antiterroriste : recours aux caméras de surveillance, aux sociétés de gardiennage, création d’un corps spécial de surveillance des bâtiments… Cela va-t-il dans le bon sens ?

Il n’y a rien de neuf, toutes ces mesures étaient déjà connues. Ce qui est significatif, c’est qu’il a choisi de faire sa sortie sur le thème de la sécurité. Ce thème ne suffit pas à fonder une politique, on peut aussi assurer la sécurité des citoyens sans devoir en parler tout le temps… Il fait un zoom exagéré sur l’antiterrorisme pour masquer le reste.

C’est une stratégie de communication politique ?

Oui, il y a de la communication derrière cela. La sécurité des citoyens est fondamentale. Mais il y a une stratégie du fédéral de gonfler les questions sécuritaires, de dresser un écran de fumée. Le discours actuel du fédéral est en trompe-l’œil : on accentue les problématiques relatives à la laïcité (burkini, etc.) et à la sécurité pour cacher le socio-économique. Et puis on nous dit, au détour d’une phrase, qu’il y a encore 1,3 milliard à trouver pour le budget… La réalité, c’est que l’on a fait des économies dans la police et que l’on veut encore en faire. On nous avait promis 400 millions pour la sécurité et l’antiterrorisme. On n’en a pas vu la couleur. Mais, ça, Charles Michel n’en parle pas…

Vous parlez du budget mais vous ne remettez pas en cause la politique fédérale sur le fond de la question sécuritaire.

Si vous me demandez si j’aime ce gouvernement de droite, la réponse est non. Pour lutter contre la radicalisation, il faut travailler beaucoup plus sur l’inclusion et la prévention comme on le fait au Québec d’où je reviens. Je suis très critique avec le fédéral mais je ne suis pas hostile à la prise de responsabilité et à l’appel à la force. Je suis un des seuls bourgmestres à avoir fait fermer une mosquée.

John Crombez, le président du SP.A, dit que la gauche a été trop laxiste par rapport à la radicalisation et aux extrémistes musulmans. Le PS a-t-il aussi été trop tendre ces dernières années ?

Non. La gauche n’a pas été laxiste. Mais notre discours de base n’est pas centré sur la sécurité. Nous avons des préoccupations socio-économiques, en matière de santé, de sécurité sociale… La sécurité est à la base du vivre ensemble mais ne doit pas être hypertrophiée. Ça fait 16 ans que je suis bourgmestre de Liège et ma ligne n’a jamais varié. Il faut replacer la déclaration de Crombez dans un environnement politique flamand qui est différent du nôtre. Aujourd’hui, c’est la droite qui tient les manettes. Que ce soit à Molenbeek depuis 2012 ou à l’Intérieur où la N-VA gère les choses. On ne peut pas incriminer le PS. S’il y a une responsabilité, elle est beaucoup plus large.

En tant que membre du PS, êtes-vous d’accord avec le comportement du gouvernement de Manuel Valls ? Ce gouvernement socialiste soutient l’interdiction des burkini. Le Conseil d’Etat français vient d’ailleurs de casser les interdictions.

D’abord, tout le PS français n’est pas en phase avec Valls. Le maire d’Antibes, qui est un ami politique de Juppé, a dit qu’il ne voyait pas sur quelle base interdire à une dame habillée en burkini d’aller sur la plage alors qu’elle peut se promener sur la digue. Je suis d’accord avec lui. Il n’y a pas de base pour interdire, si ce n’est pour des raisons d’hygiène en ce qui concerne les piscines. A Liège, on a déjà un règlement à ce sujet.

Faut-il pour autant évoluer vers un modèle anglo-saxon où, pour résumer, on peut afficher ses convictions ?

Sans tomber dans le populisme, il y a à tenir compte des grandes traditions de la population dans laquelle on se trouve.

Sur le burkini, votre position est partagée au sein du PS ?

A vrai dire, on ne s’est pas encore réuni pour arrêter la position du parti… Mon sentiment, je pense, sera partagé par le reste du PS.

Le gouvernement Michel a approuvé un projet de loi spéciale pour permettre aux Belges de l’étranger de voter aux régionales. Le PS doit-il voter ce texte avec la majorité ? Sachant que les expatriés votent massivement MR et Ecolo…

Nous ne sommes pas contre. Mais il faut une circonscription spéciale pour les expatriés. Je me souviens, lors d’une élection, je faisais l’analyse des résultats avec Michel Daerden lorsque, tout à coup, on a vu arriver les votes de l’étranger focalisés à Huy car c’est là qu’on les avait enregistrés. Les libéraux ont alors pris deux sièges d’un coup…

Willy Demeyer à la Cité Miroir, l’un des symboles du renouveau de la Cité ardente.

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