Après la polémique autour des terrasses, Willy Demeyer souligne le rôle important joué par les élus locaux dans la crise. Il regrette toutefois que les bourgmestres ne soient pas consultés ou impliqués dans les décisions.
ENTRETIEN LE SOIR
Eric Deffet
Stéphane Vande Velde
Comme souvent, Liège est au cœur de l’actualité avec la crise sanitaire, le déconfinement et le secteur horeca qui se mobilise. Le bourgmestre Willy Demeyer (PS) regrette que les élus locaux ne soient pas associés aux décisions qui les concernent.
Commençons par votre position lorsde la crise des terrasses qui s’annonçait à Liège. Populisme ? Electoralisme ?
Rien de tout cela ! D’abord, je n’empêche personne de bien connaître la loi, ce qui est mon cas. Ensuite, je suis à l’écoute de la population et je développe une vision d’une situation. Je ne souhaite pas avoir à Liège des scènes d’émeute, et je sentais que cela allait arriver. L’horeca à Liège, c’est 1.000 cafés et restaurants. Les gens de ce secteur étaient informés, très structurés, très représentatifs, avec des protocoles précis. Ils s’appuyaient sur une date, le 1 er mai, donnée par le gouvernement. Il fallait s’attendre en ville à des centaines de terrasses, des milliers de personnes. On me demandait de vider les places avec des policiers ? J’ai dit non. Ensuite, les commerçants ont obtenu des avancées mais il y a aussi eu des menaces. Rendez-vous le 8 mai !
On sent que vous avez une formed’admiration pour ce mouvement…
C’est très particulier : un mouvement social organisé chez des indépendants comme une grève dans un milieu ouvrier. Ces cafetiers et ces restaurateurs se sont mobilisés comme une masse laborieuse. C’était fascinant. Ils sont des interlocuteurs responsables que je respecte et qui ont montré leur maturité. On va les aider en créant une ville « covid safe ». Et s’il pleut ou s’il fait moins cinq, le 8 juin, les Liégeois iront sur leurs terrasses, je vous le garantis.
Et pour ce 1 er mai, pas de crainte à Liège du style la Boum 2 à Bruxelles ?
Une fédération de DJ voulait s’installer sur le kiosque du boulevard d’Avroy. Ils ont renoncé à la demande de la police : ils espéraient 1.000 personnes, ils en auraient eu 5.000. Ils sont un peu tristes et mon fils, qui connaît tout le monde à Liège, me dit que j’ai beaucoup perdu dans cette affaire. Mais je n’ai pas de regrets : les organisateurs n’auraient pas pu gérer l’événement.
Les bourgmestres sont en première ligne. Quelles leçons tirez-vousde cette expérience ?
Que cela tombe toujours sur le dos des bourgmestres ! A chaque changement décidé en haut lieu, nous devons intervenir. Les bourgmestres travaillent 24 heures sur 24 depuis 15 mois. Cela fonctionne parce qu’ils sont voués corps et âme à leur fonction. Avec les charges liées à la crise, les frontières politiques se sont aussi estompées au profit d’une solidarité des bourgmestres. Les élus locaux ont beaucoup donné, ce qui est trop peu reconnu à d’autres niveaux de pouvoir.
Et la reconnaissance des citoyens ?
Quoi qu’il arrive, les bourgmestres sont toujours au centre du jeu, jour et nuit en ce qui me concerne. Les citoyens reconnaissent cela : bourgmestres, mais aussi échevins ou conseillers sont épargnés par le relatif discrédit de la fonction politique. Ils savent qu’avec l’argent, la police et le pouvoir de réquisition, le vrai pouvoir est dans les mains de leur bourgmestre. A Liège, j’ai eu les moyens d’agir durant cette crise grâce à un accord-cadre avec le directeur financier qui m’a autorisé à dépenser. J’ai pu ainsi préfinancer l’achat des masques pour tout l’arrondissement.
Sans les bourgmestres,aurait-on été dans le mur ?
Nous sommes habitués à régler les problèmes de terrain, dans une forme de collégialité qui n’existe qu’au niveau local. Les solutions de bon sens s’imposent vite, elles font consensus. Ce qui nous choque, c’est de ne pas être consultés sur les mesures à prendre. Je sais qu’il y a quelques jours, deux ministres ont parlé d’un test à mener dans un grand club de football de la région liégeoise, je n’en dis pas plus… On a parlé d’un jour, d’une jauge, d’un match. Je l’ai appris par la bande. Or, je vais devoir dire que je n’ai pas de policiers disponibles alors qu’il en faudrait 200. Et je passerai pour le mauvais de service…
Etes-vous demandeur d’une redéfinition du rôle du bourgmestre ?
Le bourgmestre d’une grande ville dans une discussion de crise peut sans doute avoir de l’influence. Mais je ne sais pas si la dynamique politique actuelle rend cela envisageable. Les langages me semblent à ce point différents que cela risque de ne pas être conciliable. Pour ce match de foot, il y a une réunion ce jeudi à 18 h 30 et je ne suis pas invité.
Eric Deffet ■